Le storytelling, cet anglicisme désormais galvaudé, est confortablement installé dans le discours des communicants et ne semble pas proche de s’en aller. Utile comme la hotte du Père Noël, le concept englobe tout ce qu’on veut bien y mettre, pourvu qu’il permette de raconter l’histoire que l’on veut.
Et, pour le coup, si le storytelling consiste à raconter une histoire, l’Histoire ou des histoires, c’est une affaire aussi vieille que l’humanité. Le storytelling a porté d’abord nos croyances, nos superstitions, nos connaissances, par la parole. Déjà pour cette longue période, il est légitime de se demander si ce qui a été transmis est fidèle à ce qui s’est réellement déroulé. Simplement parce que la parole a cette capacité à être interprétée et qu’ainsi lorsqu’elle se diffuse, elle oscille comme une onde autour d’une fréquence qui représenterait LA vérité.
La bonne idée qu’a été l’invention de l’écriture aurait pu régler le problème, elle n’a fait en réalité que l’amplifier de manière exponentielle. Les hiéroglyphes ont permis à l’histoire des Pharaons de nous parvenir à travers les siècles mais ils ne sont qu’un prisme de la narration, commandée et exécutée.
L’impact de l’invention de l’imprimerie a été aussi considérable dans la diffusion de la connaissance, qui n’est rien d’autre que la somme des storytellings recueillis à travers le temps. Mais, en se généralisant, la connaissance a aussi multiplié les versions de l’histoire à travers les langues notamment. Car comme le dit l’adage, “traduttore, traditore”. La difficulté de la traduction réside dans l’inévitabilité des pertes, ou des déformations de sens, lorsqu’on passe d’une langue à une autre par exemple.
Comme depuis l’aube de l’humanité, quand on passe de la bouche de l’un à l’oreille de l’autre. Au point que de nos jours persistent des expressions telles que le « téléphone arabe ». Le storytelling est donc, sans l’ombre d’un doute, inhérent au parcours de l’humanité, il l’a accompagné en témoin, plus ou moins fidèle, tout le long et continuera de le faire.
En revanche, le storytelling est une arme à double tranchant, une épée de Damoclès sur la tête de tous ceux qui s’en réclament. Comme la conscience pour l’être humain, l’intention dans le storytelling, en est la quintessence. Le traducteur traitre, Churchill qui disait que l’Histoire est écrite par les gagnants, sont des alertes aux limites du storytelling.
Car l’intention peut aussi faire basculer le narratif dans la propagande, comme pour les Pharaons, comme pour les totalitarismes. Le storytelling se transforme alors en arme, dangereuse, maléfique. Capable aussi, par les mêmes mécanismes inévitables de pertes et de déformations, de dépasser l’intention de ses maitres.
En se projetant dans le monde d’aujourd’hui, l’Intelligence Artificielle n’est qu’une nouvelle émanation du besoin constant de storytelling de l’humanité, notre nouveau Gutenberg. Elle a accès au patrimoine de l’humanité, c’est sa source de connaissance.
Comme le storytelling, elle partage cette destinée au fil du rasoir entre le bien et le mal. Et, à l’intersection se situe une nouvelle fois, l’intention.
Très certainement, les manipulations des opinions publiques par le biais de campagnes de désinformation numérique vont être amplifiées et se généraliser à travers l’IA, les Fake News notamment. Mais, mise au service du bien, l’IA aidera aussi les créateurs de contenu, les storytellers du monde entier, à continuer à raconter leur histoire, l’Histoire et des histoires pour que perdure cette mission vitale pour l’Humanité. Parce que sans storytelling, Alexandre aurait-il été le Grand ?
Pour conclure cet article, ChatGPT dans sa version 4o, a été interrogé avec le prompt suivant : « Comment vois-tu l’interaction entre l’intelligence artificielle et le storytelling ? » et voici sa réponse :
« L’interaction entre l’intelligence artificielle (IA) et le storytelling est à la fois prometteuse et complexe. Voici quelques points clés sur cette interaction :
- Création de Contenu :
- Automatisation de la Narration : Les IA, comme GPT-4, peuvent générer des récits basés sur des données ou des prompts spécifiques. Elles peuvent aider à produire des histoires à grande échelle, que ce soit pour le divertissement, le marketing ou l’éducation.
- Personnalisation : L’IA peut créer des histoires personnalisées pour des publics individuels en fonction de leurs préférences et comportements, rendant le contenu plus pertinent et engageant.
- Analyse et Amélioration :
- Analyse de Données : L’IA peut analyser les réponses du public à différentes histoires pour déterminer quels éléments sont les plus engageants ou émotionnellement résonnants.
- Amélioration Continue : En utilisant des techniques de machine learning, les systèmes d’IA peuvent améliorer leurs capacités de narration au fil du temps, en apprenant de chaque interaction.
- Expériences Immersives :
- Réalité Virtuelle et Augmentée : L’IA peut être intégrée dans des expériences de réalité virtuelle et augmentée pour créer des récits interactifs où les utilisateurs peuvent influencer le cours de l’histoire.
- Personnages Virtuels : Des personnages contrôlés par l’IA peuvent interagir avec les utilisateurs en temps réel, adaptant leurs dialogues et actions en fonction des choix de l’utilisateur.
- Défis Éthiques et Créatifs :
- Authenticité et Créativité : Il y a des débats sur la question de savoir si les histoires générées par l’IA peuvent être aussi authentiques et créatives que celles créées par des humains.
- Biais et Éthique : Les systèmes d’IA peuvent reproduire ou amplifier des biais présents dans les données d’entraînement, ce qui pose des défis éthiques importants dans la création et la diffusion des récits.
- Collaboration Humain-IA :
- Outils d’Assistance : Les IA peuvent servir d’outils pour les créateurs de contenu, en suggérant des idées, en rédigeant des brouillons ou en automatisant des tâches répétitives, permettant aux humains de se concentrer sur les aspects créatifs et émotionnels.
- Co-Création : Les humains et les IA peuvent collaborer pour co-créer des histoires, combinant la créativité humaine avec la puissance de traitement et d’analyse de l’IA.
En somme, l’IA et le storytelling peuvent interagir de manière synergique pour ouvrir de nouvelles possibilités dans la création et la diffusion de récits, tout en posant des questions importantes sur l’authenticité, la créativité et l’éthique. »
Notre nouvel ami semble partager cette vision optimiste de la collaboration avec l’IA pour le storytelling mais identifie aussi clairement les risques à prévenir et à circonscrire, de l’éthique aux contenus biaisés. Seule l’Histoire nous dira quel scenario se concrétisera, et même à ce moment-là, ce sera encore du storytelling.
À bon entendeur donc.
Zouhair Yata
Professeur à Story School
Expert en transformation digitale, développement de marque, stratégie de marque, stratégie digitale, gestion médias, e-réputation, et gestion de crise, Zouhair Yata est directeur de publication et Directeur digital de la Nouvelle Tribune (hebdomadaire généraliste marocain en langue française) et Directeur digital de Ad’Hoc Digital Agency qu’il a fondé en 2012. Zouhair est également diplômé d’un Master spécialisé en management des risques internationaux de HEC Paris et d’un Master en Management Public International de Sciences Po.
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